Profession* | | J. B. Alphone Bernier était Cultivateur La religion et la nature créent aux descendants l'obligation de garder un culte pour la mémoire de leurs ascendants, pour ceux dont ils s'honnorent de porter le nom, dont ils continuent la race et auxquels ils tiennent comme les fruits aux branches, comme les branches aux racines, comme les fleurs à la tige. Afin de ne pas laisser se perdre le souvenir et les traits d'une des plus symphathiques et des plus méritantes figures de la Famille BERNIER de Cap Saint-Ignace, rappelon quelques faits et gestes de Jean-Baptiste-Alphonse BERNIER, descendant à la huitième génération de Jacques BERNIER et d'Antoinette Grenier. Le ventredi, 25 octobre 1946, décédait paisiblement à Cap Saint-Ignace, à l'heure de l'Angélus du matin, Alphonse BERNIER, entouré de son épouse, de sa famille et assité par son fils prêtre. Né 82 ans et 9 mois plus tôt, soit le 15 janvier 1864, fils de Théophile-Prospère BERNIER et d'Euphrasie LANGELIER, il est le troisième enfant d'une famille de 17, dont quelques-uns sont morts en bas-âge. Il fait son cours primaire à l'école "modèle" de la paroisse. Il est un élève studieux, avide de savoir, enjoué, pieux et modèle, faisant le bonheur de ses parents et de son institutruce, Mademoiselle Antoinette TALBOT. Possédant déjà l'amour et le culte de la terre, il aide son père sur la ferme ancestrale. Au sortie de l'école, pendant les mortes-saisons, afin d'apporter un peu d'argent à la maison, il loue ses services à un voisin, Monsieur Edouard Pelletier, formager, et il en apprend le métier. A l'âge de 19 ans, toujours pour aider sa famille, il entre en service, pendant deux ans, à la fromagerie de la ferme du Séminaire de Québec à Saint-Joachim, ou il se fait de nombreux amis, soit parmi les prêtres de cette institution, soit chez les voisins de la ferme, par son caractères jovial et sympathique, par sa belle prestance, sa voix magnifique et son entregent. Il garde du Petit-Cap un souvenir attachant dont il aime à parler souvent. A cette époque, les canadiens-français du Québec sont alors éprouvés par une crise économique sans précédent. Plusieurs quittent leur terre et leur paroisse avec leur nombreuse famille et émigrent en Nouvelle-Angleterre pour y gagner leur subsistance que leur refuse pour l'instant leur pays d'origine. Plusieurs, hélas!... partent pour ne plus revenir. Ce fut pour notre province et notre race surtout, l'hémoragie la plus pénible de notre survivance et de notre histoire. Avec ses concitoyens, la famille BERNIER passa, elle aussi, par une crise financière aigue; les temps sont pénibles, l'argent se fait rare et la récoltes plutôt médiocres, faute de méthodes scientifiques de culture. Pour sauver le "bien paternel" et la terre ancestral, le courageux Alphonse consent donc à s'exiler quelques années à Lowell, Mass., pour y travailler. Déjà, plusiers familles de Cap Saint-Ignace y sont installées. Pendant son absence, ses frères plus jeunes aideront leur père sur la ferme. Dès son arrivée à Lowell, Alphonse se trouve emploi dans une fonderie au salaire fabuleux pour le temps de $10.00 par semaine. Il travaille 10 à 12 heures par jour. Consciencieux, habile, fidèle à la tâche, travaillant, il, gagne rapidement la confiance de ses patrons qui augmentent son salaire à quinze dollars par semaine. Il écrit régulièrement à sa famille et lui envoie toutes ses économies. Le soir, deux à trois fois la semaine, il fréquente le Cercle de l'Association Catholique, fondé par les Pères Oblats qui déservent la paroisse canadienne-française Saint-Joseph de Lowell et plus tard la paroisse de Saint-Jean-Baptiste. Cette Association, dont le Père Lancelot, un oblat français, est le grand animateur, a un triple but: réunir les jeunes canadiens-français; leur conserver leur langue et leur foi, tout en les récréant honnêtementpar la culture du chant, de la musique et de l'art dramatique; enfin, au point de vue financier, assurer à leur famille, après leur mort, une assurance sur la vie. On ne saura qu'au ciel tout le bien que les Oblats de Marie-Immaculée ont fait aux canadiens-français des Etats-Unis. Alphonse Bernier s'est toujours enorgueilli d'avoir été un des membres-fondateurs de cette Association. Il paie sa contribution annuelle jusqu'à son décès. Doué d'une belle voix de ténor léger, il devient bientôt une des vedettes du groupe. Il ne compte que des amis auxquels il demeure fidèle toute sa vie. De retour au pays, il continue de chanter les chants appris du révérend Père Lancelot. Il garde un souvenir ému et fervent de cet apôtre de la jeunesse. A cette époque, il fréquente la famille de Monsieur Charles Guimont, marié à Hélène Desjardins. Autrefois du Cap Saint-Ignace, ils sont arrivés à Lowell quelques années seulement. Il adopte ce foyer de 17 intelligents et beaux enfants comme sa seconde famille. C'est là qu'il rencontre "L'AME-SOEUR" dont il fait son épouse dépareillée le 12 octobre 1891, à l'église Saint-Joseph de Lowell, Mass. Il a 27 ans et sa jeune épouse 22 ans. Elle a nom Marie-Amanda Guimont. Excellente chrétienne, aux goûts modestes, simple, foncièrement bonne, affectueuse, droite, aimable, d'un dévouement sans borne, d'une piété exemplaire, elle sera la compagne et le soutien de son mari durant 54 ans. Sa vie humble, laborieuse, remplie de bonnes oeuvres, d'effacement et d'oubli d'elle-même en fait la "femme forte" dont parle l'Evangile. Le Ciel bénit leur union et le 27 septembre 1892, nait leur premier enfant, un garçon, batisé par le Père Daze, o.m.i., dans la chapelle privée des Pères Oblats, au presbytère de Saint-Joseph-Baptiste, sous les noms de Joseph-Alphonse-Adrien. Mais voici, qu'après quelques mois de bonheur, l'épreuve vient frapper à la porte de leur modeste foyer. Leur bébé contracte une pneumonie et son état est désespéré selon le médecin. Les parents sont aux abois. Pourtant, leur foi et leur confiance en la Vierge Immaculée à qu'ils ont consacré leur enfant, triomphera. Une vieille religieuse, une saine personne, des Soeurs de la Charité de Québec qui ont la charge de l'Orphelinat de Lowell, vient visiter le petit malade et les parents éprouvés. "Ne pleurz pas, Madame, dit-elle, votre enfant ne mourra pas; il sera prêtre un jour! ...la prédiction s'est réalisée pour la consolation des parents. Trois autres enfants vinrent enrichir leur foyer les années suivantes:Marie-Alvine, Marie-Cécile et Louis-Théophile, Héritier du bien paternel. Pendant ce temps à Cap Saint-Ignace , les frères d'Alphonse n'aiment pas la terre et désertent le foyer paternel pour d'autres emplois plus prometteurs en apparence. Alors, sur le conseil de son oncle, l'abbé Bernard Bernier, Alphonse revient prendre charge de la ferme ancestrale et aider son père et sa mère qui se font vieux et souvent malades. Alphonse et son épouse sauveront le bien familial. On peut imaginer le sacrifice inoui de sa jeune épouse, quitant sa famille, ses amis, pour venir prendre charge, au Cap Saint-Ignace, d'une maison remplie de monde, d'une belle-soeur malade de tuberculose, d'une grand'maman et de sa servante. Elle ne connait aà peu près pas rien de la vie de cultivateur et des travaux de la ferme; son bébé est agé de 9 mois et un autre s'annonce à l'horizon. Tous deux, son mari et elle, s'arment de courage et se confiant à la Providence, ils acceptent le sacrifice et la rude besogne et reviennent au foyer ancestral où le devoir les appelle. Quel bel exemple ils donnent à leurs descendants!... Avant de quitter définitivement Lowell et son emploi, Alphonse Bernier va saluer Monsieur James Peavey, son employeur, propriétaire de la fonderie. Il est protestant, mais homme droit et honnète qui sait reconnaitre la valeur et le bon travail de ses employés. Habituellement, Alphonse Bernier chante en travaillant et Monsieur Peavey en est un peu intrigué. Il l'aborde un jour et lui demande: "Que chantes-tu là, mon canadien?.." (C'est toujours ainsi qu'il l'appelle) "Ce sont des cantiques de Noel que nous chantons dans mon église. Aimeriez-vous venir les entendre?..." Monsieur Peavey accepte et le dimanche suivant, Alphonse le place près de lui, au coeur de chant. Ce protestant assiste religieusement à la messe et les larmes perlent à ses paupières, saisi qu'il est par la beauté de ces chants religieux. Plusieurs fois dans la suite, on le vit présent à la messe des catholiques. C'était, de la part d'Alphonse Bernier, de l'action oecuménique pratique. Monsieur James tenaint son jeune "Canadien" en grand estime. Quand il doit quitter son patron pour revenir au Canada, ce dernier lui donne, comme souvenir, le marteau avec lequel il a travaillé durant sept ans. "Si jamais tu cherches un emploi, viens me voir, mon canadien"; j'aurai toujours de l'ouvrage pour un bon ouvrier comme toi; je serai toujours heureux de te revoir et de t'avoit à mon service". Après les traits généraux que nous venons de vous décrire, nous voulons vous présenter certains trait particuliers de l'attirante personnalité d'Alphonse Bernier, comme homme citoyen et comme chrétien. De taille robuste, très bel homme, au physique agréable, au teint claire et coloré, aux yeux bleus, au cheveux blanc, à 50 ans, Alphonse Bernier était le type parfait de cette dignité rurale d'autrefois, faite de grandeur et de simplicité, de franchise, de droiture et d'honnêteté que présentaitjadis cette "noblesse de la charrue" et de la vie de nos ancêtres. Très acceuillant envers tous, l'esprit ouvert à tous les progrès et à tout ce qui est droit, beau noble, généreux, il a en horreur le mensonge et la duplicité, la mesquinerie, la mauvaise foir et l'hypocrisie; le blasphème et les jurons lui font horreur. Son foyer est tout grand ouvert, comme son coeur, à toute la parenté et aux amis, aux visiteurs et mêmes aux pauvres indigents, qui trouvent en lui un acceuil chaleureux, courtois, cordial et empressé. Sa jovialité rayonnante attire tous les coeurs. Serviable envers tous, il vit en parfaite harmonie avec ses voisins qui recherchent ses services, ses bons conseils et sa franche amitié. Il aime la belle nature et sa terre ancestrale oû il travaille pendant soixante ans, près du fleuve géant qu'il admire. Il garde une affection toute particulière pour les enfants qui se sentent aimés de lui et attirés vers lui comme vers un grand-papa qui les comprend et s'intéresse à leurs petis problèmes. Répondant à leurs moindres questions naives et enfantines, il leur donne des leçons de choses dur les objets qui les entourent, leur faisant admiere et aimer la belle nature. Il leur chante des chansons et des cantiques. Sa voiture est toujours chargée d'enfants et lorsqu'il passe à pied dans la rue, ses petits amis ne manquent pas l'occasion de le saluer "Bonjour Monsieur Alphonse!". Attirés par sa personnalité et sa compréhension autant que par son expérience et son bon jugement, les jeunes gens, eux-mêmes, viennent le consulter sur leurs fréquentations et leurs problèmes, se fiant à sa discrétion absolue. L E C I T O Y E N . . . Mêlé à toutes les activités paroissiales, agricoles, municipales et scolaires, il possède la confiance de ses concitoyens. Il occupe avec compétence les diverses charges de marguiller, de conseiller municipal, de commissaire d'écoles, de fondateurs de l'Union Catholique des Cultivateurs de la paroisse. On se fie à ses connaissances, à sa vaste expérience et à son jugement sûr, droit, impartial et à son "gros bon-sens" reconnu. Passionné par la lectur, il aime se renseigner sur toutes les questions d'intérêt public, familiales, agricoles, paroissiales et municipales. Il est un autodidacte. Il rencontre parfois des contracdicteurs au verbe haut et souvent violent, mais son calme et sa pondération, au sein des discussions, le gardent toujours loin de la colère et le maintiennent en bons termes avec ses adversaires le plud acharnés et souvent ignorants, peu ouverts au progrès et aux affaires publiques, comme au bien commun. Il fait partie du cercle dramatique de la paroisse; il y excelle, servi par une mémoire heureuse, dans les premiers rôles de tragédies ou des comédies qu'on y joue pour aider les bonnes oeuvres paroissiales. Dans les soirées et les réunions de famille ou d'amis, il est heureux de faire son tour de chant et d'apporter son concours à la joie de tous. |